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03/10/2021  Critiphotodanse

Article sur La cantate solitaire / Juju Alishina, Théâtre Aleph, Ivry-sur-Seine, 30 septembre 2021.


Juju Alishina


Née à Kobé au Japon, Juju Alishina fonde en 1990 à Tokyo la compagnie NUBA qui se produira dans de nombreux festivals internationaux. En 1998, elle décide de s’installer à Paris, y donne de nombreux cours, stages et masterclasses, ainsi que divers spectacles dont un au Palais des Congrès devant plusieurs personnalités politiques européennes parmi lesquelles Jacques Chirac. Son style est un mélange de danse traditionnelle et d’avant-garde au sein desquelles le butô prend un rôle prépondérant. Elle a consigné sa méthode dans un ouvrage, Le corps prêt à danser - Secrets de la danse japonaise, édité d’abord en 2010 en japonais puis, par la suite, en français** et en anglais. On ne lui doit pas moins d’une cinquantaine de chorégraphies. Pour cette nouvelle œuvre créée dans le cadre des Palimpsestes, elle a proposé à Michel Titin-Schnaider de lui composer une musique en trois parties, La cantate solitaire, trois tableaux sonores d’un calme olympien, le premier, assez sombre, à base de voix d’hommes, le second, de voix mixtes créant une atmosphère neutre, et le troisième, de voix de femmes, plus aérien, plus mystique, tableaux qu’elle a admirablement meublés de son style si particulier, un butô nourri de toute l’histoire humaine et artistique de son pays, se rapprochant de ce fait de l’art de Kazuo Ohno. 


C’est peut-être le premier tableau qui s’avère le plus fascinant, de par la beauté immatérielle du personnage qu’elle incarnait, un être céleste en kimono, dissimulant son visage sous une voilette du plus bel effet, à l’instar des femmes de la noblesse japonaises de l’époque pour dissimuler leur beauté, voire occulter leur personnalité. Sa gestuelle chargée d’une grande émotion s’avère d’une délicatesse extrême. Par instants, une grâce étrange émane de ses gestes, de tout son corps, la rendant immatérielle. Difficile de dire par des mots ce qu’ils expriment car ils naissent de abrupto, conçus inconsciemment. C’est la raison pour laquelle la gestuelle d’un spectacle de butô, non codifiée, n’est jamais reproductible. Mais le geste qui nait, lourdement chargé de sens, peut toutefois être interprété de diverses manières par les spectateurs, et ressenti différemment par chacun. C’est d’ailleurs cela qui en fait son charme et son intérêt. Pour ma part, mon ressenti de ce spectacle allie beauté à sensualité et diversité, Juju Alishina en tant que danseuse d’une très grande présence étant parvenue à insérer un jeu théâtral aussi expressif que fascinant à un jeu chorégraphique apaisant, calme et pondéré. Sa danse  ne conte ni ne dépeint ; elle évoque ou suggère : c’est pour cela qu’elle est fascinante. Comme son nom l’indique, La cantate solitaire exprime, d’une manière intemporelle, la solitude et la désocialisation de l’être isolé, ce que l’on observe de plus en plus souvent de nos jours. 


Prises de photo et écriture par Jean-Marie Gourreau

03/12/2021  Magazine J'Mag #22

Interview de Juju Alishina,


Juju Alishina

Compagnie NUBA de danse japonaise de Paris


- Pourriez-vous nous présenter votre compagnie de danses japonaises ?


Je m’appelle Juju Alishina, Je suis chorégraphe, danseuse ainsi que professeur de danse Butô et de danse japonaise traditionnelle. Le Butô est une forme de danse contemporaine née au Japon.


Je dirige ma compagnie pour créer des pièces de spectacle et donner des cours ainsi que des stages de danse japonaise.

Notre activité principale est de donner des prestations artistiques dans des évènement et festivals en France et à l’étrangers. J’ai dansé avec des danseurs et des musiciens. Mais du fait de la situation sanitaire, je propose des solo principalement.


Depuis le premier confinement, j’ai commencé à donner des cours en ligne. Maintenant je suis de plus en plus présente et joignable par internet. 

Parallèlement je partage sur YouTube des vidéos pédagogiques enseignant les techniques de danse Butô.


- Quel a été votre parcours jusqu’à maintenant ?


Je suis née à Kobe au Japon et j’ai été formée à l'école "Fujiwaka" - Ecole de Danse Traditionnelle Japonaise à Tokyo - où j’ai obtenu le titre de danseuse professionnelle (« Natori ») ainsi que le diplôme d’enseignement (« Shihan ». A 19 ans, j’ai intégré une compagnie de Butô et travaillé là-bas jusqu’à mes 21 ans. J’ai fait beaucoup de recherches et d’études autour de la danse jusqu’à mes 27 ans, où j’ai monté ma propre compagnie. Je l’ai appelée « NUBA », avec les conseils de mon maître, qui est le nom d’une tribu africaine dont les personnes se maquillent le corps en blanc ; une esthétique très ressemblante à celle des danseurs de Butô.


La compagnie « NUBA » s’est installée à Paris en 1998. L’objectif de notre compagnie est de transmettre l’art japonais en France et en Europe via des travaux artistiques et pédagogiques. 


Mon travail chorégraphique autour de la danse à caractère asiatique fait aujourd’hui appel à d’autres disciplines comme les beaux-arts et la musique contemporaine. Ma méthode de danse est publiée en trois langues différents et est lue dans le monde entier…


En effet j’ai écrit un livre en 2010 « Le corps prêt à danser » qui a été traduit en français et anglais et publié au Japon, en Europe, aux Etats-Unis, au Canada et en Australie.  


- Quelles sont vos références, influences et sources d’inspiration ?


Mes références sont le théâtre japonais Kabuki - sa mise en scène, les costumes, le maquillage blanc, la musique - les fondateurs du Butô - Tatsumi Hijikata, Kazuo Ohno, et de nombreux grands opéras que j’ai découverts à Paris. 


Le Butô est extrêmement modeste, c’est pourquoi j’intègre de la diversité dans cet art, à travers les influences du Kabuki, de l’opéra et de la méditation zen japonaise. Le Butô est une danse contemporaine et un art vivant complet.


J’ai été influencée par la peinture d’Hokusai, la littérature et la poésie comme Chuya Nakahara et la philosophie de Roger Caillois.


Pour la danse traditionnelle japonaise, j’ai importé des kimonos et des éventails du Japon pour mes danseuses, afin de transmettre le culture authentique en Occident. 


J’ai suivi depuis l’enfance une formation au Japon que j’ai transmise à des jeunes danseuses. Cette formation concerne la technique de danse mais aussi le « Kitsuké » c’est-à-dire l’habillement en kimono, les comportements, les postures et les gestes du quotidien selon la tradition japonaise.


- Quels sont vos projets et vos objectifs pour les prochains mois et pour 2022 ?


Je serai au Japon de décembre 2021 jusqu’au mois de mars 2022. Au cours de cette période, je vais me consacrer aux cours en ligne et donner des spectacles au Japon.

De retour en France à partir d’avril 2022, en plus des performances artistiques que je vais réaliser sur scène, nous organiserons des stages de Butô intensif à Vichy du 25 avril au 30 avril, et à Paris aux mois de juillet et d’août prochains.


De plus je souhaite sortir mon prochain livre pour cette année 2022. 


- Quelle est selon vous la définition d’un artiste ?


Un artiste est une personne qui s'exprime à partir de ses os, en produisant quelque chose qui lui est propre et que personne ne peut remplacer, c’est quelqu’un qui est 24h/24 dedans. 


Toutes ses activités quotidiennes sont liées à l'art, et chaque petit stimulus est lié à sa création.


- Quels conseils pourriez-vous donner à quelqu’un qui souhaiterait se lancer dans la danse ?


Je donne des cours en ligne, ce qui peut être une bonne initiation à la danse pour toute personne s’intéressant au Butô. Le cours est international, j’y parle français ou anglais, les participants viennent d’Europe, des Etats-Unis et d’Asie. Toute personne qui souhaite essayer peut bénéficier d’un cours gratuit.


Pour continuer à se former et à apprendre, je donne également des cours réguliers en personne. L’avantage des cours en ligne c’est qu’ils vous permettent d’apprendre et de pratiquer où que vous soyez (confiné ou non). 


Pour les personnes qui sont curieuses de voir un spectacle de Butô, je leurs conseille d’aller regarder un extrait sur YouTube d’abord, puis d’aller en voir un chair et en os. 


Le Festival de Butô à Paris a lieu chaque année en juin dans le 1er arrondissement, pendant un mois. Vous pouvez y aller, il y a beaucoup de troupes différentes et j’ai souvent dansé dans ce festival. 


- Pour conclure, auriez-vous un dernier message à transmettre à nos lecteurs pour leur donner envie de vous découvrir ou de vous redécouvrir ?


A travers les cours et les spectacles de Butô que nous proposons, vous pourrez élargir votre connaissance de l’art japonais authentique et découvrir une discipline contemporaine des arts vivants, inspirée d’une grande tradition culturelle. 


Photographes: Stella Chang, Philippe Thomert, Tristan Maruyama

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